[ Une pocuito ! ]

Le retour du grand froid, la neige, le blanc. L'hiver était petit à petit de retour sur les terres de People Wolf. Le sol couvert d'un givre traire et glissant, l'impuissance, dès le matin, d'ouvrir les yeux et de marcher sur ce terrain gelé. Mais tous les animaux ici le faisaient avec un acharnement sans faille, par fierté, pour montrer qu'ils pouvaient, à leurs manières, faire face à la nature de leurs propres chef.

Pour s'échauffer aujourd'hui, elle avait décidé de gravir un bien beau mont, la Haute Montagne. Le premier lieu qu'elle avait découvert en arrivant sur People Wolf. Mettre les pattes en ces lieux lui ramenaient toujours en mémoires les doux souvenirs de ses premières rencontres. Celle d'Akira, une louve des Tranquilles décédée si la mémoire de l'Aventure était bonne, puis, peu de temps après, celle de Nightmare, un loup déjà croisé, rapidement aimé, abandonné. Et n'était-ce pas là qu'elle avait découvert Écho, l'une de ses plus proches amies maintenant transformée comme une vapeur, évaporée ? Où était-elle, que pensait-elle des loups ici, qui l'avaient chéris, aimés, pour partir ainsi ?

Mais qu'étaient devenu ces terres de tranquillités, de rencontres et d'amusements ? Qu'avons-nous fait pour devoir chasser nos voisin(e)s, étrangers, ami(e)s hors de nos terres, sans cœur et sans raison ? Lueur savait que c'était pour nous protéger, tous, en ces temps de conflit. Malheureusement.

Sa langue rose pendante hors de sa bouche, la louve avançait à un rythme régulier, sautant de rocher en rocher, raccourcissant sa marche. L'air gelé entrait et sortait de sa gorge, formant une petite buée autour de sa gueule, lui brûlant les poumons dans les derniers mètres, trop froid pour le corps d'un loup. Au sommet de la montagne, plusieurs odeurs, toutes confondues, superposés, mais dominés par celle du sang frais. Intriguée, elle se laissa menée par ses pattes et son flair. Elle aperçut une silhouette que trop reconnaissable. Kimi. La louve blanche était non loin d'elle, devant, lui tournant le dos, face à... à... quelqu'un d'inconnu. Ses pas s'accélérant sous l'intrigue que cette forme lui infligeait, Lueur arriva rapidement à leurs hauteurs. Le carnage qui se présenta devant ses yeux lui hôta l'envie de saluer qui conque, n'adressant même pas un regard à la Ciel. Un lynx, sans vie, gisait aux sols, le poitrail sans doute arraché d'un violent coup de crocs. Le cœur était soutiré de ce corps sans vie, et sans doute la victime était décédée il y a peu de temps, car les organes saillant étaient encore teintés d'une belle couleur vermeille.

Le loup qui lui avait soutiré la vie, empestait l'odeur du dehors, de la solitude. De grande taille, des épaules et des pattes musclés, de (trop ) longues griffes, facilitant sans doute la découpe de ses proies, Lueur ne connaissait pas ce loup. Mais elle avait pour ordre de chasser tout intrus pénétrant sur ses terres. Sans doute qu'elle n'allait pas faire exception. Elle se demanda d'ailleurs si la règle s'appliquait pour la meute Ciel. Bien que leur relation soit basée sur une paix platonique, on est jamais à l'abri d'un danger, et les ordres sont les ordres. Mais qui pourrait chasser Kimi ? Lueur lui adressa un regard remplit de confiance et d'amitié qui, sans échangé de parole, en disait long.

- Il se trouvait au mauvais endroit, au mauvais moment et avec la mauvaise personne .

A quoi le loup solitaire répondait ? Sans doute Kimi lui avait posé une question peu de temps avant son arrivée. Et sans doute parlait-il du lynx égorgé à ses pattes, gisant au sol, ses yeux vitreux, sans expression remplit d'une ancienne douleur, son sang devenant plus sombre les minutes passant, il devait sans doute avoir de plus en plus un goût amer de sang non frais. Mais Lueur ne voulait pas y goûter pour vérifier.

- Vous êtes bien tous les mêmes.

Répondit-elle en un sourire. Ah, Kimichou, que tes réponses m'avaient manqué ! Mais... quelque chose approchait. Une odeur inconnu. Elle empestait l'inconnu. Lueur pivota la tête dans sa direction. Un grand loup noir lui fit face. Plus grand qu'elle, mais d'une ou quelque mois plus jeune peut-être, même si les traits sur son visage, bien marqués, laissait suggéré les marques du passé.

" Charmant. La propreté de ton travail montre à quel point tu es loin de la perfection. "

Sa voix était grave et timbré de solitude. C'était d'ailleurs ce qu'il était, un solidaire. Son pelage, son visage, ses yeux, son corps tout entier criait la liberté, comme celui qui venait de tuer le défunt félin. Lueur ne comprenait pas ce qu'apportait cette liberté qui pour certains, n'a pas de prix. Être seul face au danger, face à la mort, abandonné dans les situations où un appui ne fait jamais de mal... Pourquoi ? Mais la phrase du mâle la fit sourire sournoisement néanmoins, ajoutant le regard meurtrier qu'il lui jetait. Ils se connaissaient. Ils ne s'aimaient pas sans doute. Mais le pire, et peut-être le plus intéressant, c'était Kimi. Toujours en premier plan face au danger, pourquoi avait - elle bondit derrière la guerrière dans le but certain de se protéger ? Elle la regarda, sans vouloir poser de questions. Elle avait sans doute ses raisons. Au final, Lueur était la seule à n'avoir sans doute aucun lien négatif à montrer. N'empêche qu'elle n'allait pas tarder à en tisser de très serré avec le jeune meurtrier si il ne partait pas bientôt de son territoire qu'elle était censée protéger... Seule.

-J'ai l'impression qu'il est inévitable d'assister à une réunion de monstres.

Kimi aussi regarda Lueur ? " Que veux-tu faire ? " C'était que criait ses yeux. Dos aux autres, les babines de Lueur se retroussèrent délicatement. " Les faire partir " voulaient-ils dire.

- Il serait d'ailleurs préférable que ces monstres partent de ce territoire.

Bien que sa faiblesse de nombre était cuisante et aussi visible que le museau au milieu du visage, Lueur se sentait à l'aise. Sur son territoire, prête sans doute à mourir pour les siens, expérimentée, qu'avait-elle à perdre et à craindre ? Un jeneau se disait " sanguinairesanspitié " ? On avait vu pire, mais moins pathétique ? A voir.