On devait être au milieu de la nuit. La lune, parfaitement ronde, éclairait la savane de ses rayons argentés. C'était une nuit sans nuage, ce qui rendait étrangement le ciel plus sombre : l'astre lunaire était trop lumineux pour qu'on perçoive la lueur des étoiles, et rien ne captait pourtant sa lumière en altitude. Au sol, par contre, une Rebelle attirait tout les rayons. Sa fourrure immaculée, sa finesse et sa grâce lui donnait l'air d'un spectre. Elle était là, immobile, la tête levée vers le ciel, ses lèvres remuants doucement tandis qu'elle chantait dans un murmure doux, et presque inodible, comme si elle ne s'adressait qu'à elle-même.


Elle se tût. Cette chanson la mettait toujours dans un état de tristesse qui lui convenait peu. Elle ne devait pas, elle ne pouvait pas être triste. Si les autres Rebelles la voyaient comme ça, elle ne pourrait plus jouer son rôle de pilier. Elle soupira doucement, puis prît un grand bol d'air. Son désir le plus profond était de se débarrasser de cette tristesse qu'elle portait toujours en elle et qu'elle camouflait si bien. Mais ce ne serait jamais possible, elle le savait. Tant qu'il était vivant, il ne lui porterait jamais autant d'attention qu'elle le désirait ; et s'il mourrait dans son entreprise, elle serait abattue à jamais par le chagrin d'avoir perdu celui qui possédait son âme. Il n'y avait pas d'échappatoire.

La louve entendit des bruits derrière elle, et quelques secondes plus tard, une voix confirma la présence d'une Ciel. Vous chantez merveilleusement bien. Rhéa sourit, tout en tournant son regard vers la nouvelle venue. Elle était blanche, comme elle, mais peut-être un peu plus épaisse. La plus grande différence venait de leurs yeux : alors que la Rebelle les avaient orange pastel, ceux de la Ciel était d'un merveilleux violet. Puisqu'elle avait désormais de la compagnie, Rhéa reprit vite l'allure douce-heureuse qu'elle avait d'habitude :

"Merci ! Vous êtes bien gentille... Et vos yeux sont superbes ! Je n'en avais jamais vu de semblable !
Je m'appelle Rhéa, et vous ?"

Enchantée, je me nomme Crystal. Sans vouloir être indiscrète, d’ailleurs si ma question vous pose problème ne vous sentez pas obligé de me répondre, mais que fait une si belle louve seule au clair de lune ? Que de politesse ! Cela fît gentiment sentir Rhéa. Comme toujours, son instinct maternel prenait le dessus, et elle avait envi de prendre sous son aile cette délicate louve au pelage immaculé. Elle avait l'air si jeune, si innocente. Avait-elle jamais été comme ça ? Oui, bien sûr. Mais cette époque paraissait si loin maintenant.

Rhéa reprit la parole de la même voix douce et chantante. Son regard se tourna un instant vers la Lune avant de revenir vers la louve.

"Enchantée, Crystal. N'hésite pas à me tutoyer, et je vais en faire de même, d'accord ?"

Elle s'arrêta une seconde.

"Je chante seule à la Lune, car je suis nostalgique du présent. J'ai une famille vois-tu, et j'ai l'impression que bientôt, la vie telle que nous la connaissons va changer. Et les prochains jours, les prochaines semaines, seront peut-être les plus heureuses qu'il me restera à vivre après cela."

Elle en disait beaucoup. La vérité était qu'elle avait besoin de se confier à quelqu'un, et que la louve semblai être une Ciel. Il était réputé pour leur honneur et cela comprenait garder les secrets, non ?

En voyant apparaître la tristesse dans les yeux de Crystal, la Rebelle s'en voulut de lui avoir dit des choses aussi déprimantes. Elle avait l'impression d'avoir une enfant en face d'elle, et la dernière chose qu'elle voulait était de rendre les gens tristes. Cependant, maintenant qu'elle avait parlé, elle ne pouvait pas reculer, puisque ce serait traiter la Ciel comme une gamine et c'était injuste dans ce sens. Bon, elle n'allait pas tout lui dire non plus, évidement...

"Ce n'est peut-être qu'un mauvais pressentiment, mais je crois que l'équilibre fragile qui existe entre les meutes risquent bientôt de se briser."

Elle sourit doucement, comme pour l'apaiser et ne pas trop l'inquiéter.

"Mais peut-être que je me trompe, car après tout je ne suis ici que depuis peu. Et toi ? Tu es née ici ?"

Oui, Crystal était décidément comme une petite loupiote prête à sauter d'un sujet à l'autre. Voilà qu'elle remuait la queue et souriait joyeusement, ce qui fît également sourire Rhéa. Non, mais j’étais venue ici pour vivre ma vie, y trouvant mon bonheur j’y suis resté. Mais pourquoi ne pas être en meute ? Elle se demanda ce qu'était devenu ses parents et pourquoi ils avaient laissé partir à l'aventure une louve aussi innocente., mais ne le demanda pas. Elle répondit à sa question avec un sourire :

"Je cherche la bonne personne pour ça ! Je ne connais pas encore les dominants d'ici, et je ne peux pas me joindre à une meute si je n'en connais pas le chef. Tu as de la chance d'être si bien tombé en tous cas, tu as l'air vraiment heureuse !"