Tu souffres ou tu ne souffres pas.

Saleté de vermine. Casse-croûte ambulant. Boule de poils répugnante. C’est officiel. Deamon n’aime plus les chats. Alors qu’il faisait un petit tour au village, -et sans faire de tuerie-, un chat lui est tombé sur la tête. Sans doute tombé du troisième étage. Mais qu’importe ! Un chat ça a des griffes. Hors, quand ça atterrit sur le crâne de quelqu’un, ça les sort. Hors, on ne sort pas ses griffes quand son point d’atterrissage à des crocs. Bref, pauvre petit minou était devenu déjeuner.

Omnivore, Deamon mangeait tout. Un chat, un chien ou un lapin, que de même. Et pour finir, il fallait le faire dignement, ce même si la victime ne fait que trente centimètres. Le chat dans la gueule, -ou du moins ce qu’il en restait, le chef de guerre des nocturnes secoua brutalement la tête de gauche à droite. Relâchant la bestiole, celle-ci prit son envol et finit par s’écraser au sol. S’amusait-il ?

Non.

Une nouvelle fois, Deamon envoya le chat valser dans les air. Son petit jeu durait depuis quelques minutes. Voir plus. Il pourrait s’attaquer à plus intéressant, mais aujourd’hui, les voix étaient en pleine discussion. Le loup les écoutait, tel un spectateur sans son mot à dire. Le chat finit par atterrir devant un autre canidé. Le regard de braise se posa sur ce dernier, las. Il n’arrivait pas à penser avec le bruit d’une dizaine de voix différentes, qui résonnait dans sa tête comme un écho sans fin. Il savait une chose, il ne connaissait pas le loup en face de lui. Mais il n’était dans aucune humeur particulière. Son esprit aussi vidé d’informations qu’il l’était le jour de sa naissance. C’est à peine s’il se réalisait réellement de la présence de l’autre sac à puces. Cependant, ce fut l’arrivée de la petite louve qui le sortit enfin de sa lassitude. Ou du moins, de son ignorance totale quant à ce qui l’entourait.

Et enfin, il se réalisa ce qu’y manquait. Son museau ensanglanté avait le goût d’un félin. Et quand il retrouva enfin sa petite proie, il se dirigea vers celle-ci. Son regard toujours aussi vidé de vie que l’état sa démarche paresseuse. Une des voix lui annonça que c’était probablement un coup de vieillesse. Intérieurement, le loup failli ricaner. Non, ce n’était ni fainéantise, ni vieillesse. Il était simplement d’humeur très, très calme aujourd’hui. Sa mâchoire se referma une nouvelle fois sur le corps frêle du félin. Brisant les côtés de l’animal avant de le jeter une nouvelle fois en l’air.

Sauf que cette fois, le chat n’atterrit ni devant l’autre loup, ni au sol. Non, le chat vint s’écraser sur le loup gris. Et ce n’était pas fait exprès, si ce n’est qu’il n’avait à jouer comme un gamin de deux mois. Fixant l’intrus sur son terrain de jeu, le noir pencha légèrement la tête sur le côté, attendant patiemment que son jouet lui soit rendu. Sans quoi il devrait aller le chercher. Et après, la différence entre un chat et un loup n’est rien aux yeux d’un paresseux.

Deamon observait tout d’abord le cadavre du félin, avant d’observer le solitaire. Il n’appréciait pas le grognement du mâle. Mais ses babines pesaient trois tonnes. D’ailleurs, nul besoin de réagir, Blood Fall le fit bien avant lui. Alors, le regard du noir se porta une nouvelle fois sur le chat. Ce n’était plus qu’une boule de poils, visiblement victime d’une mâchoire de canidé. L’animal le regardait, d’un regard vide et sans vie. Ses yeux verts étaient presque envoûtants, tant le loup les fixait.

Mais un mouvement brusque le tira de sa rêverie. Blood venait de s’attaquer au loup. Rien de bien surprenant, la réponse du mâle avait de loin été la bonne. Deamon les observait donc tous deux, toujours aussi lasse qu’au début de ces évènements.