L'ombre noire n'avait aucun but, aucune envie. Son esprit vagabondait par delà les collines, entre les nuages, abandonnant le corps qui avançait par habitude de la marche, en mode automatique. Des images peuplaient la tête du loup, souvenirs fugaces d'un temps envolé, films de ses autres vies, apparition de ses autres masques. Loup joyeux qui éduquait les jeunes, loup grincheux qui protégeait la meute, loup perdu qui cherchait le réconfort. Toujours, des mises en scènes dans le seul but de détruire. Toujours, des masques portés pour que la véritable identité reste secrète, pour que le Diable reste masqué. Toujours, des identités qui finissaient par se fissurer, donnant alors le droit au Passager de se défouler.

L'esprit du solitaire finit, au bout d'un temps incertain d'errance, à retrouver le délicieux cocon réconfortant de la tête. Rappelé par un brin d'herbe sauvage, qui s'était envolé jusqu'aux narines du loup. Un éternuement pour l'en chasser ne fut pas suffisant, d'autres suivirent. Quand enfin l'intrus fut délogé, Black Shadow releva la tête, observant alors l'endroit où il se trouvait. Ses yeux se portèrent sur les parois sombres de cavernes, sur l'herbe verte qui bordait leurs entrées, sur l'obscurité qu'il voyait au plus profond des cavités.

Douceur du sombre, délice des Ténèbres. Il y était né et était destiné à y retourner. L'ombre Noire n'hésita pas et pénétra dans l'inconnu, heureux de se mélanger à ses semblables, d'être invisible. Ombre silencieuse qui avança jusqu'à découvrir une fin à la caverne, se couchant alors contre la paroi humide de la grotte. Savourant les gouttes qui tombaient par à coups sur son pelage de jais, l'air frais qui emplissait l'endroit, la noirceur qui l'entourait. Alors, bercé par cette atmosphère peu sympathique, le loup noir ferma les yeux, désireux de prendre un peu de répit avant d'enfin donner une leçon aux loups vivant par ici. Peu l'avaient vu, deux le connaissaient. Il avait donc encore l'occasion de se jouer des faibles et de mener son petit jeu à terme. Pour ce faire, il avait avant tout besoin de repos. Viendrait ensuite l'heure du déjeuner. Il serait temps, à cet instant, de réfléchir à l'endroit où trouver une proie. L'idéal serait de trouver de quoi se remplir le ventre et de quoi jouer...

Délicieux rêves qui finirent par envahir son esprit, image de ce qu'il espérait, alors que le sommeil, léger, l'emportait doucement.